-Lettre
ouverte à mon père-
Je me cache
derrière ce blogue aujourd’hui pour te parler. J’aimerais avoir le courage de
te partager ce texte, mais je sais très bien que ça n’arrivera pas. Il a
toujours été difficile pour nous deux d’avoir une conversation civilisée sur un
sujet qui nous sépare. Le ton monte, la frustration ressort, il n’y a rien à y
faire. Nous sommes tous les deux des Godins après tout. Je pense que te faire
lire ceci nous aiderait à mieux nous comprendre. Je suis bien trop lâche et
peureuse pour m’assurer que ça se rendre jusqu’à toi. Parce qu’aujourd’hui j’aimerais
te rassurer par rapport au sujet sur lequel nous ne nous entendrons
probablement jamais : la façon dont je mène ma vie.
Je suis
bien. Je suis heureuse. Est-ce vraiment trop te demander d’être satisfait par
cette réalité? Les décisions que je prends peuvent te paraître bizarre, je suis
quand même reconnue pour écouter mon cœur avant ma tête. Je ne ferais cependant
jamais quoi que ce soit qui nuirait à ma vie ou à celle des autres. Mon style
de vie t’inquiète car tu n’en vois qu’une partie. Je suis issue d’une
génération connectée, c’est vrai. J’aime savoir ce qui se passe dans le monde,
c’est plus fort que moi. Je n’arriverai jamais à comprendre comment tu peux
juger mes habitudes avec mon ordinateur ou mon téléphone quand pourtant tu
passes autant de temps devant la télévision. Nous faisons cela pour les même
raisons. Nous cherchons à demeurer informés et entertainés. Pourquoi juger?
Tu me
trouves dépenseuse. Tu t’inquiètes car tu penses que je suis toujours à la
dernière cent. Tu n’as pas tort. Mais regarde-toi un peu! Vous m’avez élevé
alors, évidemment, je vais avoir pris vos mauvais côtés aussi. Oui j’ai de la
difficulté à mettre de l’argent de côté mais la raison est simple : je
préfère vivre dans le présent. Je budgète à ma façon et je respecte celui-ci de
temps en temps. Je sais comment m’en sortir et je ne me mettrai jamais dans trop
de misère. J’ai vécu trop longtemps en pensant à tous les impacts que chacun de
mes gestes pourraient avoir. En planifiant tellement à l’avance que dès qu’un
imprévu me tombait dessus, c’était la fin du monde. J’ai fini par en avoir assez.
Je vis le moment présent, j’en profite et comme j’aime ça! Ne t’en fait pas par
contre, je vis dans le présent, mais je planifie aussi pour mon avenir. Combien
de jeunes de mon âge cotisent déjà dans un REER? I got this… I promise!
Tiens,
justement. Tant qu’à parler en anglais, parlons de mon accent. Je sais que tes
critiques viennent d’une bonne place. Tu as peur que je perde mon français
comme tant d’autres personnes avant moi. Je suis fière d’être francophone. Je suis
même right fière pour emprunter un
slogan bien connu et qui a soulevé bien des débats. Je reconnais que la
francophonie a plus d’une couleur et je sais reconnaître les contextes où je
peux me permettre un registre familier versus un registre standard. Jusqu’à
récemment, je croyais qu’être en famille était synonyme de familier. J’avais
tort. Depuis, de peur de te déplaire, je cache cette couleur qui me représente.
Une francophone pure et dure de la péninsule qui s’est laissée séduire par le
sud-est. C’est qui je suis, et je dois admettre que c’est blessant de voir que
tu ne peux accepter ce fait. Ce blogue est la preuve concrète que je refuse de
perdre mon français. Si seulement j’avais la force et le courage de te le
prouver en te le montrant.
Tu regardes
mes tatouages et tu grimaces. Je sais aussi très bien que tu n’es pas un fan de
ma coupe de cheveux ou même de la façon dont je m’habille. Je n’ai jamais été
aussi confortable que je le suis depuis un an. J’ai accepté une bonne fois pour
toute d’embrasser qui je suis et j’en suis ressortie tellement plus fière et
pleine de confiance. Je t’assure que je ne fais pas cela pour vous déplaire.
Quelle sorte de personne prendrait des décisions ayant un impact si permanent
juste pour déplaire à quelqu’un? Je n’essaie pas non plus de prouver un point.
Ce que je cherche à faire, c’est de laisser savoir au monde qui m’entoure que
ce qu’ils voient, c’est moi et que je suis fière de qui je suis! C’est dur de
savoir que mon propre père a de la difficulté à dire pareil.
J’aimerais
qu’on ait plus en commun, mais ce n’est pas le cas. C’est difficile pour moi de
communiquer avec vous de façon régulière, je ne sais plus de quoi vous parlez.
Je déteste du small talk, mes
intérêts vous sont étrangers et c’est la même chose pour les vôtres. J’avais
pris comme quasi-résolution de vous appeler plus souvent. Je suis en train d’échoué
lamentablement parce que je ne peux m'empêcher de réaliser qu'on n'a rien à se dire. Pour être honnête, j’aimerais que pour une fois, UNE SEULE,
vous soyez présents lors d’un événement d’impro. Non je ne serais pas vraiment
disponible pour passer du temps avec vous et en effet vous n’y comprendrez
pratiquement rien. Je voudrais juste que vous puissiez voir à quel point c’est
important pour moi et l’effet immédiat que ça a sur ma personne. En bon
français, je dirais que lorsque je suis à un événement d’impro I’m glowing!
Un jour
peut-être, tu liras ces lignes. J’espère que ça te permettra de mieux me
comprendre. Je vous aime énormément maman et toi et j’aimerais que tout soit
plus facile entre nous. En attendant le jour où j’aurais le guts de te montrer ceci, je vais
continuer à faire mon possible pour vous rendre fiers quitte à vous cacher des
choses. C’est loin d’être l’idéal, mais c’est ma façon de faire… I wish I wasn’t such a coward…
Shotgun GODIN